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Hedia Baccar

Hedia Baccar Touche pas à mon éléphant !

Début des années 60. Gare d’Hammam-Lif : il est 6 heures du matin lorsque apparaît une frêle silhouette d’adolescente. Elle porte à bout de bras une imposante valise ainsi qu’un cartable. Hedia Baccar, qui s’appelle encore Choura pour l’instant, est élève au Lycée de jeunes filles Armand Fallières. Et, son pesant bagage, c’est aussi la douleur qu’elle porte. Son père est récemment décédé : emporté trop jeune par un méchant virage vers Msaken, il rend l’âme dans les bras de sa fille dont la vie (re)commence là, comme dans un film, sur ce quai de gare qui la mène vers son destin.
D’abord, le baccalauréat, qu’elle décrochera sans difficulté, si ce n’est la ferme opposition de sa famille qui exerce une pression sans relâche sur sa mère pour que celle-ci garde sa fille à la maison. Une mère qui, ruinée par la mort de son époux, va obstinément s’acharner à pousser l’aînée de ses quatre enfants vers des études supérieures alors qu’elle-même avait refusé de passer son certificat d’études afin que son nom n’apparaisse pas dans les journaux ! Pour cela, elle se convertira à la couture tout en exerçant le métier de surveillante dans un lycée. Ce sont les vêtements qu’elle a confectionnés que sa fille porte dans cette valise trop grande et dont elle va livrer le contenu aux clientes de la capitale.
Dans le petit train à vapeur, une sage étudiante succèdera à l’intrépide écolière qui s’amuse à sauter d’un wagon à l’autre, faisant fi du danger, et rencontrera également le futur père de ses trois enfants.
En effet, après avoir, tour à tour, passé le concours et décroché une bourse de 45 dinars (une vraie fortune à l’époque), elle mène en parallèle des études à l’Ecole Nationale Supérieure de Tunis ainsi que la Faculté des sciences de la rue Souk Ahras, récemment créée, où elle obtiendra sa maîtrise en sciences naturelles. Elle est immédiatement affectée au lycée de Radès où elle obtient une place de professeur.

- Mais non ! Elle sent qu’un autre destin l’appelle. Ses diplômes, elle veut en tirer plus. C’est le sésame qui lui permet enfin de convaincre sa mère de la laisser quitter la Tunisie pour Lausanne où son directeur de thèse, un suisse autoritaire et intransigeant va l’initier aux mystères des chromosomes mais également lui faire découvrir les innombrables richesses de la nature en exigeant d’elle qu’elle passe un certificat de zoologie. Du haut du col du Bertholet où elle apprend à reconnaître les chants des oiseaux, sa vocation va naître.
De ces années passées en Suisse, elle ramènera deux petites filles et le premier doctorat africain en génétique qui lui vaut une reconnaissance du président de l’époque, Habib Bourguiba. Celui-ci la reçoit, la récompense et prend en charge l’ensemble des frais inhérents à sa thèse.
Elle est alors recrutée par le Méditerranean Marine Sorting Center, un programme de tri marin financé par les américains, où elle participe à l’élaboration d’une collection de référence de l’ensemble des organismes marins de Méditerranée. A la fin du mandat du MMSC, elle réalise une étude sur les parcs marins existants et potentiels ainsi que sur les colonies méditerranéennes de phoques moines, menacées alors de disparition, en qualité d’expert du PNUE et de l’UICN, alors fraîchement formés.
Deux hommes vont alors jouer un rôle déterminant dans sa vie. Le premier, Zakaria Ben Mustafa, son “mentor”, avec qui elle crée l’ATPNE et qui lui fait renoncer, dans la foulée, à la carrière internationale à laquelle elle se destinait en lui présentant feu Hassen Belkhodga, à l’époque ministre de l’agriculture. Une rencontre décisive avec un homme d’une grande générosité, ouvert d’esprit, qui lui ouvre grand les portes du ministère et lui permet de créer une unité directement rattachée au Cabinet et chargée de la protection de l’environnement.
Elle participera dès lors à l’ensemble des processus d’élaboration des grands accords régionaux et internationaux ainsi qu’aux réunions internationales où elle représente la Tunisie : la première Conférence des Nations Unies pour la protection de l’environnement, à Stockholm où elle s’“illustrera” en faisant le tour des délégations, baleine au cou, pour les convaincre de participer au moratoire interdisant la pêche à la baleine, le PAM, la Convention de Barcelone, la Convention de Bâle sur le transport des déchets dangereux, la CITES, interdisant le commerce des espèces animales et végétales en voie de disparition, le Sommet mondial de Rio, etc.
La valise du quai d’Hammam-Lif a fait place à celle de la baroudeuse. Une grande et éternelle voyageuse dont le métier passionnant lui permet d’effectuer le tour du monde plusieurs fois. A zodiac, en Land-Rover, en bateau ou encore en hélicoptère, elle entraîne ses enfants dans son sillage et ses aventures: sauvetage d’une baleine échouée à Bechateur, recherche de phoques à la Galite, poursuite de pêcheurs braconniers autour de Zembra, virées dans le désert tunisien à la recherche de gerboises et autres mammifères‚…
Vient ainsi l’heure de la reconnaissance internationale : sa carrière est ainsi consacrée par le Prince Philip d’Edimbourg, alors président du WWF (Fonds Mondial pour la Nature) qui l’accueille, en même temps que le Président Léopold Sedar Senghor, en tant que membre d’honneur de l’organisme pour “son soutien actif dans la conservation des zones marines et en particulier pour sa contribution à l’établissement des principaux parcs nationaux de Tunisie”‚…
A l’âge de la retraite, après 25 belles années de combat pour l’environnement, elle quitte avec regret son ministère. Dur, dur ! Il n’y aura ni cocktail ni cadeau d’adieu : “N’oubliez pas de laisser la clé au bureau d’ordre en partant”.
Très démoralisée, elle se met alors à tricoter des petits polos pour sa descendance et se jette à corps perdu dans l’exercice de son sport favori, le bridge, où elle excelle également en participant à diverses compétitions en tant que membre de l’équipe nationale tunisienne. “happy” ?
- Certainement ! S’il est vrai que Hedia Baccar excelle au bridge, en revanche, le tricot, ce n’est pas trop son truc. Elle a appris beaucoup de ses voyages et ses rencontres toutes plus enrichissantes les unes que les autres, notamment cette expression américaine dont elle fait une véritable profession de foi : “Don’t give up” !
Connectée à Internet quelques années avant sa retraite, elle décide d’exploiter au maximum son réseau de connaissance et intègre l’IFAW (International Found for Animal Welfare), une ONG qu’elle représente aujourd’hui dans le monde arabe avec le soutien du ministre actuel de l’agriculture: que ce soit à moto sur les plages cubaines, à la recherche de tortues géantes, ou encore en hélico dans les brousses du Kenya, afin d’étudier les colonies d’éléphants. Elle met enfin son expérience au service des formations qu’elle mène dans les pays arabes, notamment au Koweït et bientôt en Jordanie, au profit d’officiers des douanes et de police, de cadres de compagnies d’aviation ou encore des autorités portuaires afin de leur apprendre à reconnaître les produits dérivés d’espèces animales ou végétales protégées et interdites au commerce: ivoire, écailles de tortues, cornes de rhinocéros, shatoosh (ce fameux châle fabriqué à la… barbe des boucs tibétains), etc.
C’est ainsi qu’elle continue plus que jamais son combat pour ces espèces menacées par la folie des hommes.

Selima Mnasser

source : realites.com.tn


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